Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blaireau - Carnet éditorial
Le Blaireau - Carnet éditorial
Publicité
Le Blaireau - Carnet éditorial
Derniers commentaires
Archives
14 mars 2007

Le festival des analyses à deux sous ou de l'insatiable besoin de s'entendre parler

C'est période d'élections au Québec, il y a eu débat des chefs.

Si vous commencez à lire ce message en croyant que vous pourrez y découvrir toutes mes impressions sur le débat, arrêtez immédiatement votre lecture, ouvrez Google, tapez 'Débat des chefs' et allez lire une des dizaines de milliers de chroniques insipides et complaisantes à ce sujet. Je ne discuterai ici ni du débat ni de mes impressions, mais plutôt du « Méta-débat » c'est-à-dire tout ce qui entoure l'événement en tant que tel.

Faux débat

Mon premier commentaire porte sur la nature de l'événement, qu'on se plaît à nommer « débat » ou, encore pire, « débat d'idées ». Les commentateurs les plus intéressés vous diront qu'ils espèrent « un véritable débat de fond », qui porte « sur les vraies choses », qui « touche réellement aux priorités des Québécois ». Ce à quoi je réponds : fariboles !

Au sens le plus intellectuel du terme, le mot « débat », lorsqu'il s'applique aux idées (comme on se plaît à le croire dans un débat éléctoral),  implique une discussion, un dialogue par rapport à une question. L'objectif intellectuel d'un véritable débat serait donc l'atteinte d'un consensus par rapport à cette question : s'entendre avec les autres participants au débat sur la meilleure solution possible à apporter à un problème donné. Or, vous savez tous (car vous n'êtes pas plus naïfs que moi) qu'aucun des candidats participant à un débat électoral ne s'y présente avec une intention dialectique, dans le but d'enrichir sa propre position intellectuelle grâce à la confrontation des idées et d'un véritable dialogue.

Le débat électoral n'est donc pas un débat à proprement parler mais bien une joute oratoire. Une joute comme au Moyen Age, où le but de tout candidat est de frapper l'adversaire le plus fort possible sans toutefois tomber en bas de son propre cheval. Chacun arrive avec son sac d'idées toutes faites qu'il faut présenter et, évidemment, s'en tiendra tout au long de l'événement à des paroles prévues des lustres à l'avance. Rien à voir avec un véritable débat, où les idées des uns et des autres devraient fluctuer au rythme de la pertinence des discussions. Cela donne le résultat que l'on connaît; vous remarquerez d'ailleurs que dans le débat d'hier comme dans tout autre débat électoral, personne ne s'écoute et on répond rarement aux questions des autres, preuve tangible de l'inexistance totale d'un dialogue. Bref, quiconque aborde un débat électoral en pensant avoir droit à un échange d'idées intéressant dont le pays pourrait bénéficier est d'une navrante naïveté.

Les analyses à deux sous de nos spécialisses, commententeurs, gourous et autres exaltés

Cette questions sémantique sur le « débat » étant réglée, passons aux choses sérieuses. J'ai regardé le « débat » (si vous permettez qu'on continue de le nommer ainsi) pour des raisons précises et j'en suis satisfait. Ce qui m'entourloupe la fibre polémiste dans tout ça, c'est le délicieux givrage sucré dans lequel on trempe et retrempe l'événement par la suite, la panoplie d'émissions spéciales et l'interminable défilé de spécialisssses qui viennent, à mon avis, ruiner tout ce qu'un débat électoral devrait représenter.

Pour les raisons expliquées ci-haut, on ne doit pas s'attendre à un débat, c'est chose établie. Étant une joute oratoire, le débat électoral n'a qu'un seul objectif : convaincre un auditoire (ce qui exclut évidemment les autres participants au débat) ou, du moins, paraître le plus convaincant. Par conséquent, on ne peut juger d'un débat électoral que de façon essentiellement subjective. Notre interprétation d'une telle joute oratoire découle invariablement de l'impression laissée par chacun des candidats sur notre «moi-pensant», c'est-à-dire notre individu, avec ses préjugés, ses attentes, ses espoirs, ses idées préconçues. Les journalistes, évidemment, n'échappent nullement à la règle, étant humains au même titre que tout le monde, et d'autant plus que nous connaissons la façon dont les divers médias peuvent biaiser l'information (à ce sujet, lire mon billet sur L'objectivité, impossible quête). Ainsi, tout ce que l'on peut présenter comme information avant et après un débat électoral n'est que pure propagande des uns et des autres, propagande que l'on veut bien maquiller à grands coups d'étiquettes pompeuses apposées aux divers invités, « Professeur Untel », « Spéclialisse de communications », « Esspert en débats zélectoraux », etc.

Or, l'opinion de toute cette bande d'exaltés et de « M'as-tu vu comme chus zintéressant ! » ne vaut pas plus que celle de monsieur Roger dans son salon de Pointe-Saint-Charles. Pourquoi ? Parce que malgré le fait qu'ils se disent tous impunément objectifs, ce qu'ils présentent, au fond, ce sont leurs impressions par rapport au débat, et ces impressions ne peuvent être que subjectives. Je me suis donc amusé, hier au soir, à regarder les diverses interventions toutes plus ronflantes les unes que les autres, qu'on nous a présentées à Radio-Canada.

La première (et la meilleure) a sans doute été celle de nos « spécialisses de l'image », deux clowns recrutés par Radio-Canada d'une façon totalement arbitraire et qui, tous deux, atteignaient visiblement un état de transe jubilatoire profonde et peut-être même un orgasme en s'écoutant parler. L'une nous disait qu'en voyant Jean Charest à l'écran, elle a « vraiment vu un premier minissse bien habillé », et l'autre de vanter le fait que Mario Dumont « venait littéralement chercher le ptit Québécois dans son salon ». Je ne m'étendrai pas outre mesure sur les propos de ces illuminés; je dirai simplement, au risque de me répéter, qu'ils ne font qu'exprimer leurs propres impressions (évidemment, politiquement orientées) en les présentant comme la seule et unique façon d'interpréter le débat. Bref, on veut dire à Monsieur Georges, assis dans son salon de Ste-Agathe, que s'il a trouvé, lui, que Jean Charest avait l'air fragile ou mal à l'aise, il est un gros épais qui ne connaît rien, un crétin qui n'a rien compris au débat parce que nous, les zexperts, on dit le contraire. Il en est de même pour tous les autres intervenants qu'on a pu faire défiler à l'écran à toutes les chaînes télé. Le choix de ces intervenants n'était d'ailleurs pas aléatoire : à Radio-Canada, on avait mis une journaliste de The Gazette plus mitigée, un gros abruti de CBC qui vantait les idées libérales et le chroniqueur du Devoir, Michel David, pour prendre la défense du PQ. Comment peut-on croire ensuite que l'opinion des journalistes est objective ?

Le comble du ridicule, c'est évidemment le point de presse que présente chaque parti après le débat. Les uns après les autres, ils défilent pour vanter leur performance, dire qu'ils sont « très satisfaits » du débat qui a certainement été « très zutile aux Québécois ». Et comme si ce n'était pas assez, ils présentent même leur autoévaluation : « Mon parti me donne 8,5/10 pour ma performance, c'est pas mal, hein ? ».

En somme, le meilleur conseil que je puisse vous donner, c'est de regarder le débat avec vos propres attentes, de fermer la télévision tout de suite après afin de vous épargner tout un lot d'insanités spécialisées, et d'en faire votre propre interprétation, que vous gardez pour vous et qui devrait être la seule à faire pencher la balance le 26 mars prochain.

Bernie, ce monument

Avant de terminer, un dernier clin d'oeil (mauvais oeil, s'il en est)... Le méta-débat à Radio-Canada était évidemment présenté et coordonné par Bernard Derome. Ah... Bernie (tu permets que je t'appelles Bernie, depuis le temps qu'on se connaît...) monument incontournable de l'information. Or, comme tout monument qui se respecte, Bernie s'est défraîchi, s'est effrité, a perdu des petits bouts un peu partout, au fil du temps... Le problème, c'est que contrairement à la coupole de l'Oratoire Saint-Joseph ou à la façade de la Basilique Notre-Dame, notre pauvre Bernie, lui, ne se restaure pas. Je ne peux donc pas m'empêcher de dire qu'il aurait mieux fait de demeurer un glorieux et respecté retraité plutôt que de revenir bafouiller et divaguer sur nos téléviseurs tous les soirs à 22 heures, malédiction qui semble s'empirer davantage lors des émissions spéciales en période d'élections. Sauf tout le respect que je dois à cette divinité du bulletin de nouvelles, il serait peut-être temps de changer de dieu avant que l'église ne se vide de ses fidèles...



Publicité
Publicité
Commentaires
R
Avec un retard certain, je viens de lire ton très éclairant billet sur le débat. Je suis d'accord avec toi. Bernie est fini. On veut du sang neuf. On veut la Galipeau à la tête de l'information. Mais, dites-le pas trop fort, SVP...
L
Cher Vecteur, je suis allé lire ton billet sur le débat tout de suite après avoir vu ton commentaire. Malgré ton jeu de mots douteux, tu peux être rassuré : au moins tu ne prétends pas à une quelconque objectivité ! Tu dis, d'emblée : j'avais un favori, c'était Untel, voici les impressions que m'a donné le débat.<br /> Rien à voir avec ce que je condamne dans mon propre billet, c'est-à-dire la supposée objectivité des spécialisse et des essperts en "cravatologie" (l'expression est de Nicolas Dickner et je la trouve particulièrement savoureuse) choisis expressément pour leur allégeance politique... Tu peux donc dormir sur tes deux oreilles, le Blaireau t'épargne... du moins pour cette fois !
V
Je me sens mal. Je viens tout juste d'écrire un billet sur mon blogue sur le débat. Mais tu peux te rassurer, je suis tout à fait objectif. HA HA HA!
Publicité